TOUT POUR ÉVITER LE DRAME

Martin-de-Viviès, 06h30.

Le jour est déjà levé depuis longtemps et le soleil vient caresser la base Martin-de-Viviès. C’est l’heure à laquelle a décidé de partir une manip ornitho. Flo en est le responsable et il emmène avec lui Fine et Québec qui vont l’aider dans sa prospection. Ils se rendent dans le secteur de la Grande coulée, une ancienne coulée de lave qui prend naissance dans la zone des cratères Vénus. Les conditions météo sont bonnes et la journée promet d’être chaude. L’emport de gourdes bien remplies est indispensable. Il ne faut pas traîner, le programme de cette sortie est ambitieux.

Pendant ce temps la base se réveille tranquillement avec comme première ambition de petit-déjeuner. Il y aurait des pancakes et de la pâte au beurre caramel… quelques lève-tôt sont déjà en train de se régaler.

Martin-de-Viviès, 07h05.

« BCR, BCR ici Flo, Fine est tombée dans un trou. Elle a du mal à bouger mais nous parle. Le trou fait plus de 5 mètres de profondeur. Nous nous trouvons vers le bas de la Grande-coulée, au-dessus de la bifurcation entre Antonelli et Grand-Bois. »

Le médecin est prévenu et la sirène retentit. L’alerte appelle tous les hivernants à se rassembler. Branle-bas de combat, tout le monde se retrouve au Prion !

Appel, analyse de la situation, constitution d'une équipe d'intervention et mise en alerte de ceux qui restent.

  Sous la direction du médecin de la base, le BIBAMS, une première équipe rassemble rapidement le matériel nécessaire à une intervention en milieu périlleux, le sac médical de secours est déjà prêt - il l'est toujours en fait. Le temps de procéder à une dernière vérification, tout est OK. C'est parti.

Pendant ce temps, le DISAMS monte une cellule de crise à la Résidence. Le Siège est alerté de la situation. Il est 06h35 à La Réunion et Amsterdam vous souhaite une très belle journée. Welcome on board !

Comme un problème n’arrive jamais seul, un nouvel appel radio nous signale que Flo s'est blessé à une épaule alors qu'il essayait de porter secours à Fine. Québec est déjà auprès d'elle et lui prodigue les premiers soins.

Un premier bilan tombe et avec lui l'analyse de la situation préalable à toute intervention. L'affaire ne va pas être simple. Le renfort d'une équipe pré-hospitalière de secours est déclenché pour la prise en charge de Flo, tandis que des hivernants de l'équipe d'aide médicale préparent l'accueil à l'hôpital Saint-Yves. 

Alors que le BIBAMS est mobilisé sur les lieux de l'accident, le plan "hôpital sans médecin" se met en place.

Allo Houston, on a un problème.

Oh t'as vu ça ! Il y a bien 7 mètres et la paroi a un surplomb ; ça va être chaud.

Québec, tu me prends la tête !

La deuxième équipe d'intervention prend en charge Flo et le ramène vers la base. Il est accompagné à l’hôpital où la procédure « hôpital sans médecin » est engagée. La procédure est déroulée pas à pas : pose d’une perfusion, antalgie, radiographie de l’épaule, réduction de la luxation puis radiographie de contrôle. Les hivernants en charge de procéder à ces gestes techniques ont la pression. Il ne faut pas se tromper ou commettre un geste inapproprié.

Pendant ce temps, le médecin descend dans la cavité afin de procéder à une évaluation précise de l'état de santé de Fine. C'est du sérieux, elle ne peut plus bouger ses jambes. Il va être nécessaire de la rapatrier vers La Réunion. La cellule de crise initie immédiatement la demande auprès du Siège. Il n'y a pas de temps à perdre. Reste à savoir le temps que cette récupération prendra. On ne peut pas dire qu'il y ait beaucoup de passage de navires dans le secteur. Un des coins les plus isolés du monde nous a-t-on dit...

Il faut maintenant extraire Fine de cette cavité avec toutes les précautions nécessaires. L'équipe d'intervention installe des mouflages après avoir repéré l'endroit le plus approprié. Il est également urgent de remplacer Québec. Sa position n'est pas des plus confortables et il est impératif de maintenir correctement la tête de Fine dans l'alignement de la colonne vertébrale. Juju prend le relais.

Tu crois que ça tiendra ?

Bouges pas j'arrive

Le plan dur puis la barquette FERNO sur laquelle Fine sera installée sont descendus. Tintin et Hippo accompagnent le mouvement. Il faut maintenant se concentrer car chaque geste est mesuré, pour le bien de la victime mais aussi celui de ses Saint-Bernard austraux, pendant l'extraction.

 

L'opération est délicate et le BIBAMS veille à la manœuvre. Il faut maintenir en permanence la barquette, au fil de l'ascension.

Pendant ce temps, à La Réunion, une solution a été trouvée grâce à la coopération de la Marine Nationale et du Centre Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage Sud Océan Indien (CROSS SOI). Une frégate proche du district de Saint-Paul et Amsterdam fait route vers nous. Il s'agit du Nivôse. Nous avons de la chance, le navire dispose à son bord d'un hélicoptère. Une Drop Zone (DZ) de circonstance a été trouvée aux abords du site de l'accident. La cellule de crise est entrée en communication radio avec le navire et transmet les coordonnées de la zone d’intervention.

Grande coulée, 10h05.

L'extraction est terminée, Fine est prête à être embarquée à bord de l'hélicoptère qui permettra son rapatriement vers La Réunion. L'opération aura duré un peu moins de 3h00 depuis l'annonce de l'accident.

Grande Coulée, 10h36.

L'hélicoptère arrive rapidement au-dessus de la DZ dont on a transmis les coordonnées. Le pilote dialogue par radio pour l'approche finale, toujours délicate en milieu ouvert. Une fois les consignes particulières transmises, Fine est enfin installée à bord, accompagnée du BIBAMS. Elle sera prise en charge par le médecin de bord de la frégate Nivôse dès que l'hélicoptère aura rejoint la navire.

Fort heureusement, ce n'était qu'un exercice Search and Rescue (SAR) de grande envergure. Il a été mené en coordination avec la frégate de surveillance Nivôse, de la Marine Nationale, ainsi que les cellules Veille et Crise de la préfecture des Terres australes et antarctiques françaises.

Fine, quant à elle, est en pleine forme. Elle attendra encore un peu avant de quitter ce paradis austral.