Située au sud-ouest de l’île, à l’opposé de la base Martin de Viviès, les falaises d’Entrecasteaux culminent à plus de 700m de haut pour se jeter ensuite dans la mer. Elles sont issues d’un effondrement datant de plusieurs centaines de milliers d’années. Pour y accéder, environ 3 heures de marche depuis la base jusqu’au Pignon (point haut des falaises d’Entrecasteaux) puis une descente d’environ 3h avec 3 mains courantes, 2 portions de via ferrata pour arriver au pied des 700m de falaises. Une fois en bas, il reste une petite heure de marche pour atteindre le célèbre « Refuge des becs jaunes » et la cabane de « Tonku », respectivement lieu de vie pour les manips scientifiques menées sur le site et cabane « labo » avec tout le matériel scientifique. Pour ce faire, il faut d’abord traverser le fameux « Viet-nam », une zone très humide et « gadouilleuse » puis la plage d’Entrecasteaux et ses nombreuses habitantes, les otaries.
Cabane d’Entrecasteaux ©A.LE NOZAHIC/J.DECHARTRE
Une fois le refuge atteint, il suffit de lever les yeux pour faire face à l’un des plus beaux spectacles que l’île Amsterdam peut nous offrir, les falaises d’Entrecasteaux avec ses milliers d’oiseaux. En effet, c’est ici que chaque année, des milliers d’Albatros à bec jaune, d’Albatros fuligineux à dos sombre et de gorfous sauteurs subtropicaux viennent se reproduire. Ils forment des colonies de plusieurs dizaines à plusieurs centaines d’individus réparties à différents endroits de la falaise. Les Albatros à bec jaune et fuligineux à dos sombre sont présents du mois de septembre (période d’arrivée dans les colonies) à mars/avril (période d’envol des poussins) et les gorfous sauteurs subtropicaux de juillet/août (période d’arrivée dans les colonies) à décembre/janvier (départ en mer des poussins). Les adultes reviennent ensuite en février pour réaliser une mue post-reproduction qui s’étale jusqu’en avril. Les falaises d’Entrecasteaux sont alors totalement vides d’oiseaux durant les mois de mai et juin.
Albatros fuligineux à dos sombre ©A. LE NOZAHIC Albatros à bec jaune ©A.LE NOZAHIC
L’otarie à fourrure d’Amsterdam est la seule espèce de mammifère marin à se reproduire sur l’île. Elle est présente sur toute la côte de l’île Amsterdam au pied des falaises de 20 à 30m ainsi que sur la plage d’Entrecasteaux et la MAE (Mare aux éléphants) à proximité de la base. Une seule espèce de mammifère introduite se reproduit au niveau des falaises d’Entrecasteaux, il s’agit du rat. La présence de cette dernière pose des problèmes de cohabitations avec les populations d’oiseaux (prédations sur les poussins notamment).
Otarie à fourrure d'Amsterdam ©A.LE NOZAHIC
Divers programmes scientifiques interviennent depuis plusieurs années afin d’étudier la faune et la flore présentes au niveau des falaises d’Entrecasteaux. Deux programmes coordonnés par l’IPEV (Institut Polaire Français), le programme 109 « Ornithoeco » ainsi que le programme 1151 « Ecopath ».
Le programme 109 « Ornithoeco » du CEBC-CNRS de Chizé utilise les oiseaux et mammifères marins comme indicateurs des changements globaux qui affectent les écosystèmes de l’océan austral. A travers un réseau de 4 observatoires allant de l’Antarctique au milieu subtropical, les populations de 25 espèces de prédateurs supérieurs sont suivies depuis plus de 50 ans (6 espèces sur l’île Amsterdam). Le programme intègre également l’effet des pêcheries afin de proposer des mesures de conservations.
Le programme 1151 « Ecopath » du CEFE-CNRS de Montpellier étudie la circulation des agents infectieux dans les populations des vertébrés coloniales subantarctiques et antarctiques. La majeure partie du travail du programme est réalisé sur l’île Amsterdam notamment aux seins des colonies d’Albatros à bec jaune.
La Réserve Naturelle des Terres Australes Françaises intervient également sur les falaises d’Entrecasteaux afin d’y étudier les populations de rongeurs présentes (rat et souris) et de mettre en place un plan d’éradication efficace. Elle étudie également la flore et les habitats terrestres et côtiers.
L’ensemble du travail effectué sur les falaises d’Entrecasteaux par les différents programmes est réalisé en collaboration avec la Réserve Naturelle des Terres Australes Françaises.
Après cette rapide présentation des falaises d’Entrecasteaux et des différents programmes, on vous invite à venir avec nous pour une immersion dans le travail des deux ornithos au sein des colonies d’oiseaux ! Allez, c’est parti !
Début septembre 2020, l’équipe composée d’Aline et d’Anthony (les deux ornithos des programmes 1151 et 109) ainsi que de Laura et Guillaume (les deux manipeurs de l’extrême, respectivement docteur et informaticien/logisticien) est en place au pied des falaises d’Entrecasteaux pour une « manip » qui va durer environ 5 jours.
Objectifs de cette « manip » : contrôler l’arrivée des premiers Albatros à bec jaune dans les colonies suivis (lecture de bague numérotée posée sur les pattes des oiseaux), réaliser 40 captures d’oiseaux afin de réaliser divers prélèvements permettant d’étudier les agents infectieux, compter le nombre de gorfous sauteurs subtropicaux présents sur nid et en train de couver dans les colonies suivis et organiser les opérations logistiques de ravitaillement de la cabane d’Entrecasteaux pour l’OP2 qui se déroulera du 12 au 16 septembre.
1er septembre 2020, il est 9h, le ciel est légèrement couvert, pas de pluie prévue ce matin, c’est le bon moment pour grimper dans les colonies ! Aline accompagné de Laura grimpe dans la colonie d’Albatros à bec jaune suivi par le programme 1151. Après 20min de marche pour 400m de dénivelé, une bonne suée, elles sont arrivées à la colonie. Première étape, parcourir toute la colonie afin d’identifier tous les oiseaux bagués ! Seconde étape, capturer les oiseaux bagués afin de réaliser divers prélèvements ainsi que la biométrie (mesure de la longueur et hauteur du bec, longueur d’aile…). Pour se faire, Aline, après avoir identifié l’oiseau bagué, le capture puis le place délicatement dans les bras de Laura qui est assise, prête à accueillir l’oiseau. Une fois l’oiseau correctement tenu, Aline peut réaliser les différentes mesures biométriques ainsi que les prélèvements en toute sécurité pour l’oiseau et les manipeurs. Une fois les mesures et prélèvements réalisés, l’oiseau est reposé à l’endroit où il a été capturé et, après un peu de biosécurité du matériel et des flexos qu’Aline et Laura portent, c’est parti pour la capture suivante. La biosécurité consiste à nettoyer chaque outil/ objets (pied à coulisse pour mesurer le bec, veste flexo que l’on porte sur nous pour capturer l’oiseau…) qui ont été en contact direct avec l’oiseau afin d’éviter la propagation éventuelle d’agents infectieux entre les oiseaux.
Albatros à bec jaune sur nid et vue de la colonie d'Albatros à bec jaune ©L.COLLINET
A 12h, il est temps de faire une pause repas ! Guillaume et Anthony ont gentiment préparés le repas du midi et ont rejoint Laura et Aline à proximité de la colonie pour déjeuner. Au menu, taboulé et Pâté Doré avec du pain maison en entrée, raviolis en plat et cookies noisette pour le dessert ! Un fois le déjeuner terminé, les filles reprennent le travail dans la colonie d’Albatros à bec jaune et les gars redescendent pour organiser les opérations logistiques de ravitaillement de la cabane à OP2.
Au programme pour Guillaume et Anthony, trier tous les vivres restants dans les touques pour ensuite regrouper toutes celles qui sont vides et à renvoyer sur le bateau. 700kg de nourritures arrivent avec l’OP2 pour la cabane d’Entrecasteaux, il faut libérer de la place ! Peser et rassembler les touques « déchets » à renvoyer pour être triées sur la déchetterie de la base. Remplacer la cuve de récupération d’eau de pluie avec une autre cuve propre, la première devant être renvoyée sur base pour être nettoyée puis faire de la place pour accueillir une nouvelle cuve d’eau potable !
En fin de journée, vers 18h, nous retrouvons Aline et Laura à la cabane. Rapide douche nocturne pour certain(e)s qui oseront braver le vent frais qui souffle à l’extérieur, préparation de l’apéro pour les autres après une bonne journée de travail ! La soirée sera animée entre des papotages, des jeux de cartes, la cuisson du pain maison et la confection d’un délicieux repas à la boite de conserve !
Les journées suivantes seront rythmées de la même manière entre le travail dans la colonie d’Albatros à bec jaune afin de continuer les lectures de bagues et atteindre l’objectif des 40 captures d’oiseaux bagués ainsi que l’organisation des opérations logistiques.
Le dernier jour avant le départ, 5 septembre 2020, il est temps d’aller réaliser le comptage de deux colonies de gorfous sauteurs subtropicaux. L’objectif étant d’avoir une idée du nombre d’individu couveurs et sur nids présents dans les colonies. Deux personnes sont nécessaires pour réaliser le comptage, Anthony et Laura s’en chargent ! Après une petite grimpette d’environ 10-15min, nous voilà arrivée dans la première colonie. Les colonies de gorfous sauteurs forment des patchs de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de couples et l’espace entre les différents nids est inférieur à 1m formant des colonies très denses. Cela rend les comptages très difficiles. Cette organisation très serrés est un moyen de défense contre les prédateurs. Les individus situés en périphérie de la colonie sont donc souvent les plus vulnérables. Pour réaliser les comptages les plus précis possible, nous sommes deux compteurs et nous réalisons 3 passages successifs pour chaque colonie. Nous réalisons ensuite une moyenne des 3 comptages pour les deux observateurs. Bilan du comptage, 2 nids couvés + 5 individus sur nids (n’ayant pas encore pondus) pour la première colonie et environ
280 nids couvés + 33 individus sur nids pour la seconde colonie ! Prochain passage dans 1 mois pour voir le nombre de poussins.
Comptage d'une colonie de Gorfou sauteur subtropical et Gorfou sauteur subtropical
©A.LE NOZAHIC
L’après-midi de ce dernier jour est consacrée au rangement et nettoyage de la cabane ainsi qu’à la préparation des sacs pour le retour sur base !
Le lendemain, communication radio à 7h00 pour annoncer notre départ de la cabane à la base, un dernier coup d’œil au-dessus de nous pour profiter encore une fois de la vue et de l’ambiance que nous offrent les falaises d’Entrecasteaux et ses milliers d’oiseaux ! A bientôt Entrecasteaux !
Falaise d'Entrecasteaux ©A.LE NOZAHIC
Anthony LE NOZAHIC et Aline FLECHET.
Merci beaucoup pour ce beau reportage. Profitez bien de l'aventure extraordinaire que vous êtes en train de vivre.
RépondreSupprimerCordialement,
Pierre M.