lundi 7 septembre 2020

Des petits mots aux grands maux

 Plus qu’un voyage dans les Terres Australes, un voyage dans l’humain …

 

Hôpital St Yves - Base Martin de Viviès
Hôpital St Yves - Base Martin de Viviès

Ceci n’est pas un reportage, mais plutôt mon témoignage, celui d’un médecin parti à l’autre bout du monde pour exercer le métier qu’on lui a enseigné, ou presque … Dans un petit hôpital (Saint Yves), petite infrastructure comprenant une pharmacie, un bloc opératoire, une salle d’examen médical, deux chambres d’hospitalisation, une salle de dentisterie, un laboratoire. C’est dans cet hôpital le plus éloigné de tout continent, que j’ai décidé de postuler pour une mission de 5 mois sur le district de Saint Paul et Amsterdam après la fin de mon internat et assistanat de Médecine d’Urgence aux Antilles. 

  Les petits mots

J’ai débarqué du Marion Dufresne le 17 Avril 2020, au milieu de l’hivernage pour les résidents du district, période au cours de laquelle on célèbre la « Midwinter » (semaine de festivités commune à tous les districts des TAAF), complexe sur le plan relationnel, personnel et professionnel. S’ajoute à cela mon arrivée et celle des nouveaux personnels à l’OP1 (première Opération Portuaire de l’année, correspondant à la première rotation du Marion Dufresne pour l’approvisionnement en vivres et le changement de personnels), rompant un équilibre relationnel établi sur base depuis l’OP4. C’est également le début de l’hiver, période difficile pour les VSC (Volontaires Service Civique) travaillant hors base. C’est la moitié de l’hivernage, certains prennent conscience qu’il reste encore 6 mois à passer isolés du reste du monde, d’autres trouvent que le temps passe très vite, trop vite ...

Chacun a postulé pour des raisons et des motivations différentes, rendant chaque hivernage unique et complexe à sa façon.

La majeure partie de mon travail consiste à écouter se confier les hivernants. Pourtant pas spécialiste en psychologie, je dois faire preuve de neutralité, de bienveillance permanente, d’une écoute attentive pour dépister les petites baisses de moral (syndrome mental de l’hivernage), plus ou moins profondes, qui se manifestent différemment chez chacun. D’où cette nécessité d’apprendre à connaître intimement chaque personne, afin d’adapter mon discours et mon attitude envers chacun, dans le fond comme dans la forme.

 Il s’agit de porter une attention quotidienne au bien-être physique mental et moral de chacun, résoudre les problèmes relationnels, apporter un soutien psychologique constant, proposer des activités de renforcement de cohésion, permettant de maintenir une stimulation émotionnelle positive au quotidien.

D’où le rôle particulier, central et complexe du médecin, qui doit trouver sa place au sein de cette petite société de 24 personnes, tous si différents par leur culture, leur milieu socio-professionnel, leur âge, leurs affinités …

  Les grands maux

Être seul médecin d’une base isolée avec des moyens matériels et humains limités implique de jouer plusieurs rôles, médicaux et para-médicaux : celui de médecin généraliste, biologiste, radiologue, chirurgien, urgentiste, secouriste en montagne, anesthésiste, aide-soignant, infirmier, dentiste, psychologue …

 

Malgré une formation médico-chirurgicale militaire préalable de 3 mois, il faut se tenir prêt à gérer tout type d’accident, médical (décompensation de pathologie sous-jacente ou de novo) ou chirurgical, sur base ou en manip (activité professionnelle des VSC hors base), n’importe quelle urgence vitale potentielle nécessitant des soins réanimatoires ou chirurgicaux.

 

Je n’ai heureusement jamais été seule pour assurer toutes ces tâches : aidée par une équipe de soutien médical constituée d’hivernants volontaires, ayant participé à plusieurs formations médicales, ateliers pratiques, et soumis à des exercices médicaux et incendie, ainsi que par mon partenaire, Jean Charles MEGIAS le chef du district, qui assure la sécurité de la base, action complémentaire conjointe à la sécurité et la protection sanitaire de l’ensemble des hivernants.

 

J’ai aimé la polyvalence de ce métier hors du commun, nouveau pour tout médecin n’ayant jamais exercé dans les TAAF.

 

Cette expérience m’a permis d’explorer toutes les facettes insoupçonnées du métier de médecin. Une aventure hors du commun, d’une richesse sans pareil sur le plan relationnel et émotionnel, unique sur le plan professionnel et personnel, médical et humain.

 

Laura Doc, BIBAMS 71

 

 

3 commentaires:

  1. Excellent résumé du poste de Médecin de District ... Travail complexe (dans l'ombre) mais d'une richesse sans limite tant d'un point de vue personnel que professionnel ! Bon retour et bonne continuation ! Rémy (ex Bibams 69)

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  2. Excellent résumé du poste de Médecin de District ... Travail complexe (dans l'ombre) mais d'une richesse sans limite tant d'un point de vue personnel que professionnel ! Bon retour et bonne continuation ! Rémy (ex Bibams 69)

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  3. Je garde un souvenir fort des immersions dans le monde médical que m'ont apportées les formations et heures passées à l'hôpital (pour flâner et glaner du chocolat autant que pour y être soignée haha) lors de mon hivernage en 2016 (big up à l'ami Nico/bibams67 si tu passes par ici !).
    Comme le dit Rémy ci-dessus, que j'ai eu la chance de croiser aussi en campagne d'été, votre job est en grande partie un job de l'ombre dont on ne prend pas forcément la pleine mesure quand on est sur place.

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