La présence permanente
de femmes au sein des missions australes est assez récente.
Leur arrivée
dans les districts a occasionnellement été mal comprise par certains hommes misogynes,
alors que d'autres s'en sont félicités. Leur place, désormais indiscutable, a
parfois été difficile à conquérir.
L'existence
des premières femmes sur le district de Saint-Paul et Amsterdam date :
- de 1870 pour
Madame HEURTIN, épouse du colon réunionnais, qui s'installe avec sa famille sur
l'île d'Amsterdam pour y établir une ferme. Cette colonisation est un échec
quelques mois plus tard la famille quitte l'île ;
- de 1929
pour Louise Le BUNOU, l'une des trois rescapés des oubliés de Saint-Paul, enceinte
de Paule (du nom de l'île), qui décèdera deux mois après sa naissance.
Pour les missions scientifiques contemporaines, la première mixité à
Amsterdam date de la fin des années 90, sans précision, mais avec une
certitude de la présence féminine dans les effectifs de la 51e mission en 2000,
composés de 4 femmes pour 23 à 27 hivernants, en fonction des saisons (voir le tableau infra). Sur le
district de Crozet, c'est dès 1996-1997 (34e mission) qu'elles intègrent les
missions permanentes.
Les remarques
contrastées sur les débuts de la féminisation permettent de constater que, pour
certaines d'entre elles, l'hivernage a pu être difficile.
Parmi ces
remarques, quelques-unes sont machistes, mais la plupart plutôt favorables à la
poursuite de l'ouverture de postes aux femmes, certains rapports de fin de
mission le montrent. Voici quelques articles, extraits des archives des
districts de Saint-Paul et Amsterdam et de Crozet et datent de 1996 à 2000.
L'un d'eux
indique :
"La
mission était fortement féminisée avec des volontaires d'aide technique ....
Ces jeunes filles s’acquittèrent avec brio et souvent beaucoup de mérite de
leurs tâches professionnelles. Le chef ... fut de temps en temps confronté aux
menus petits travers de la condition féminine : chagrin d’amour, crises de
larmes, caprices, vagabondage sexuel… C’est la vie et ce n’est pas là
l’essentiel. C’est lors des OP, dans une petite mission où les effectifs sont
réduits, que la féminisation devient parfois un handicap : les demoiselles
ont peur de conduire des tracteurs attelés à de lourdes remorques, on ne peut
raisonnablement pas leur demander de manipuler des élingues sous l’hélicoptère
ou sous la grue à la cale, pas plus que de déplacer et vider des caisses bois
ou les conteneurs.
En dehors du
respect d’une volonté politique, je ne vois personnellement aucun avantage à
féminiser les hivernages."
Un deuxième, plus favorable relate, toujours en parlant de la
féminisation :
"C'est le fait marquant de cet hivernage, et
elle traduit la volonté des TAAF de vouloir ouvrir les Districts à tous. Je
vais en décevoir beaucoup en affirmant que c'est un "non-évènement"
et ce statut est la preuve même de sa plus totale réussite. Les raisons de ce
succès résident non pas dans une quelconque considération des sexes, mais bien
plus dans les qualités humaines et professionnelles des femmes recrutées. Ces
qualités sont à peu de choses près les mêmes, nécessaires à la réussite d'un
hivernage pour les hommes. Deux des postes clés de la mission sont assurées
avec brio par le "beau sexe" (médecin et chef cuisine)."
Un autre
rapport de fin de mission édite :
"La féminisation des Districts
est un élément modérateur incitant tout un chacun à contrôler son langage, sa
tenue. Très positif."
Le district
de Saint-Paul et Amsterdam a bénéficié de la présence de plusieurs femmes
exceptionnelles, dont celle de Bénédicte ARDOUIN (bien qu'elle n'ait pas
hiverné).
Bénédicte
Ardouin (1935-2016) contrôle les retombées des explosions nucléaires aériennes
et mesure la radioactivité ß, auprès de l'équipe de Gérard Lambert*. Elle est chargée des prélèvements
d'aérosols effectués dans les TAAF.
Bénédicte Ardouin |
*Gérard LAMBERT est un ancien
physicien au CEA, où il a travaillé au Centre des Faibles Radioactivités, qui a
fusionné avec un autre laboratoire pour donner naissance au Laboratoire des Sciences du Climat et de
l’Environnement
(laboratoire désormais mondialement connu pour ses études sur les carottes de
glace prélevées en Antarctique).
Dans ce
cadre, elle se voit confier, en 1980, le programme d'étude du CO2, et la
création de la station de mesure de l'île Amsterdam, appelée désormais Pointe B
(B comme Bénédicte - Ardouin). Depuis, deux programmes scientifiques
fonctionnent, toute l’année, sur cette station atmosphérique.
Avec sa bienveillance,
son dévouement aux autres et son travail rigoureux, elle a joué un rôle
fondamental pour toutes les études de physico-chimie atmosphérique.
Personnalité discrète, elle ne manquait pas de caractère et savait imposer ses
idées le cas échéant.
La 52e mission du district est composée d'une seule femme. Il
s'agit de Danielle MAZET-DELPEUCH, ex-cuisinière en chef de l’Élysée, sous la
présidence de François MITTERRAND.
Elle a inspiré le film qui retrace sa présence à l’Élysée : « Les
saveurs du palais ». Elle est représentée par l'actrice Catherine FROT
alors que le rôle de François Mitterrand est joué par Jean d’ORMESSON.
En 2001, Danielle MAZET-DELPEUCH répond à une annonce sur Internet pour une
mission en Antarctique, pour laquelle il lui est annoncé qu'un homme de moins de 30
ans est recherché pour le poste et qu'il est inutile de présenter sa
candidature. Elle annonce se tenir prête à se plaindre pour discrimination et
évoque son expérience à l'Élysée, ce qui permet à sa candidature d'être
acceptée. Alors âgée de 60 ans, elle est affectée durant 14 mois sur le
district de Saint-Paul et Amsterdam, sur la base Martin de Viviès, pour régaler
de ses repas le personnel de la 52e mission.
Fort heureusement, la perception de la présence féminine a bien changé dans
les districts, et les TAAF n'hésitent plus à recruter du personnel féminin,
dont des cheffes de district. Cela a été le cas pour le district de Saint-Paul
et Amsterdam pour les 58e et 61e missions, et aujourd'hui encore pour le
district de Crozet.
Le nombre de femmes a varié au cours des dernières années :
La 71e
mission du district de Saint-Paul et Amsterdam est composée de 26 hivernants
dont 5 femmes
- un
médecin (Sylvia),
- une
militaire responsable des approvisionnements (Emmanuelle),
- trois volontaires
du service civique : une électronicienne/logisticienne (Cécile), une ornithologue (Aline), une
chercheuse sur le mercure dans l’atmosphère (Laura).
Les femmes de la 71e mission, dans l'ordre de gauche à droite et de haut en bas :
Sylvia, Laura, Emmanuelle, Aline, Cécile |
Saluons le courage et la persévérance des femmes au sein des premières missions, qui ont permis qu'aujourd'hui leur présence ne puisse plus être remise en cause.
Jean-Charles MEGIAS
Bonjour
RépondreSupprimerCet article a été lu en classe lundi dernier. Bien apprécié par mes élèves. Surtout par les filles qui me demandent pourquoi il y a encore si peu de femmes hivernantes dans les TAAF. Nous attendons avec impatience votre prochain article.
Amitiés celloises
Bises à la mission 71 et en particulier à ses femmes !
RépondreSupprimerHeureuse de voir que mon affiche sur Bénédicte Ardouin est toujours là, si jamais elle s'abime je pense avoir laissé le fichier sur le réseau de géophy (et peux le renvoyer si besoin si ça n'est pas le cas).
Isabelle (Ams67)
De passage sur ce blog suite au séisme de ce jour. En espérant que tout le monde aille bien.
RépondreSupprimer