mardi 16 octobre 2018

Le silence est d’or, l’amalgame est de mercure…

Yann notre messager aux sandales ailées nous raconte :




<< Les Terres Australes constituent un lieu stratégique pour la recherche scientifique, de par leur isolement (nous sommes quand même un peu au bout du monde, il faut bien l'admettre…) et leurs particularités environnementales. Depuis de nombreuses années, des programmes mis en place par des laboratoires, soutenus logistiquement et humainement par l’IPEV, jouent un rôle d’observatoire sur le long terme des évolutions atmosphériques et des changements naturels globaux. Sur Amsterdam, deux programmes de « chimie de l’air » permettent une étude attentive de ces phénomènes à travers le suivi permanent de certains composés chimiques.

 http://www.gmos.eu/ 


Dans le collimateur des laboratoires : les gaz à effet de serre (« RAMCES », programme IPEV n°416), bien sûr, mais pas que… Depuis 2012, le programme « GMOStral » (programme IPEV n°1028) étudie le mercure atmosphérique sur l’île Amsterdam, ainsi que sur la station Concordia en Antarctique. Porté par l’IGE, l’Institut des Géosciences de l’Environnement, basé à Grenoble, il fait partie d’un maillage mondial développé par le programme « GMOS » (Global Mercury Observation System). « GMOS », « RAMCES », « LEFE », « CHIANTI », « TOPMModel » … chez les chimistes, on aime les jeux de mots et les acronymes !
Mais les chercheurs ne font pas que chercher des jeux de mots… Les objectifs de GMOStral sont un suivi à long terme des composés mercuriels gazeux dans l’atmosphère, ainsi qu'une meilleure compréhension de leurs dynamiques et mécanismes naturels. Ces aspects s’inscrivent dans une volonté de compléter les connaissances quant à l’impact anthropique sur ces mécanismes et de mieux anticiper l'évolution de ces composés dans les années à venir. Bien que le mercure ne soit pas un des éléments à l'origine des changements climatiques majeurs, comme les gaz à effet de serre étudiés par le programme RAMCES, il est à l'inverse difficile d'estimer l'impact de ceux-ci sur son évolution. Encore une fois, l’homme y a mis son grain de sel, et pas qu’un peu…
Qu’en est-il de ce fameux « vif-argent » qui intriguait tant les alchimistes à la recherche du « mercure philosophique », ingrédient de la pierre philosophale ? Le mercure, encore utilisé aujourd’hui dans certains pays pour ses propriétés physico-chimiques particulières (capacité à former des amalgames avec l’or, propriétés antiseptiques, …), est connu pour être un polluant très toxique sous toutes ses formes. Principalement neurotoxique et cytotoxique (il affecte les cellules souches du système nerveux), il est à l’origine de nombreux décès et maladies dans certaines populations le côtoyant de trop près. La dégradation de ce métal lourd est extrêmement lente et difficile, il se répand dans tous les écosystèmes et s’y accumule donc. Très connu sous sa forme liquide (certes amusante !) à température ambiante, le mercure s’évapore facilement dans l’air. Il est ainsi présent en quantité importante dans l’atmosphère (sous forme élémentaire, oxydée, et particulaire), où il y est remanié via des mécanismes physico-chimiques complexes, avant de se répandre dans l’environnement avec les eaux de pluies. Nous sommes donc exposés au mercure, par son utilisation industrielle, passée ou présente (thermomètres, tensiomètres, amalgames dentaires, vaccins et autres excentricités…), mais également par la pollution environnementale globale. Les risques liés à la consommation de poissons contaminés par le mercure, connus du grand public, sont également au centre de cette problématique. En bref, pas si sympa le mercure… Mais qu’est-ce qu’on y fait donc ?



  


Mon rôle ici consiste à assurer le bon déroulement des différentes expérimentations sur le terrain, afin de permettre une production de mesures en temps réel, sans interruption. Ce travail se traduit donc par des maintenances régulières sur les appareils automatisés prélevant l’air, un suivi rapproché de l’acquisition des données, des prélèvements ponctuels (échantillons d’eaux de pluie, par exemple), mais aussi toute intervention liée à une panne ou un incident. Les appareils peuvent effectivement se montrer capricieux dans leur mauvais jour. L’équipe scientifique responsable ne pouvant se trouver sur place au cours de l’année, ce poste de technicien permet d’établir un lien permanent entre le laboratoire de Grenoble et le terrain.

 

L’essentiel de ce travail s’effectue à la station de prélèvements de « Pointe Bénédicte », située à l’ouest de la base Martin-de-Viviès, à une vingtaine de minutes de marche. C’est l’endroit clef où sont installés tous les dispositifs de prélèvements d’air. Des outils de contrôle à distance permettent d’assurer un suivi régulier depuis la base, mais nous (Léa, travaillant sur les gaz à effet de serre, et moi-même) devons nous rendre régulièrement à Pointe Bénédicte pour effectuer des maintenances sur place. De quoi nous dégourdir les jambes plusieurs fois par semaine, voire plus, en cas de pépin. Ce qui s'accorde assez bien avec la volonté des cuisines de (trop ?) bien s'occuper de nous...
En passe de faire une découverte majeure à faire pâlir les alchimistes en herbe, ou en plein perfectionnement de la « Cosmopompe » des Shadoks ? Quoi qu’il en soit, les « pompeurs d’air » (surnom local qui en fera sourire plus d’un) ont le vent en poupe. Ou plutôt « en Pups » …
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