vendredi 24 octobre 2014

L’OISEAU RARE


                                   

Ne cherchez plus, on l’a trouvé. L’oiseau rare est à Amsterdam. Plus précisément sur le Plateau des Tourbières. L’Albatros d’Amsterdam, c’est son nom, n’est plus représenté que par une unique colonie de moins de 200 individus. Vous l’aurez compris, cet oiseau, endémique à l’île, niche sur le plateau cité plus haut dans une zone centrée sur le cratère de Vulcain. Et il revient de loin !
En effet, si l’état actuel de la population fait qu’elle est classée en danger critique d’extinction par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature, au début des années 80, l’espèce ne comptait plus que cinq couples répertoriés. C’est vous dire le niveau de sensibilité de ce dossier et la responsabilité qui est celle de la France concernant la survie de ce superbe voilier qu’est l’Alba d’Ams, comme on l’appelle ici.
Dès lors, pas question de prendre le moindre risque avec nos protégés. Un strict protocole de biosécurité a donc été mis en place pour l’accès et la manipulation d’oiseaux au plateau des Tourbières.
Samedi 11 octobre en fin après-midi, nous quittons la base pour la cabane Antonelli où nous allons passer la nuit. A partir de ce site, le Plateau des Tourbières n’est qu’à environ une heure de marche. Mais ça grimpe dur !
Dimanche 12 octobre en début de matinée, nous sommes à pied d’œuvre devant l’ancienne clôture à vaches marquant l’entrée du plateau après une nuit tranquille passée dans le duvet à l’issue du repas aux bougies et de la partie de belote réglementaire.

Repas à Antonelli
 Changement de tenue pour tout le monde : les affaires personnelles ne rentrent pas sur le site protégé et sont entreposées dans une touque (petit tonneau hermétique en plastique) et remplacées par une tenue fournie par Romain, l’ornithologue. Sac à dos, bottes, flexo (tenue de pluie) et raquettes lavés, désinfectés et stockés exclusivement, hors utilisation, dans le local « Albas d’Ams » sous clé de la base. Ce matériel ne doit en aucun cas être mélangé avec celui servant pour les autres sites de l’île. 

Changement de tenue - Base en bas à droite
 La tournée des nids peut commencer. Elle va durer une bonne partie de la journée.

Prospection sur fond de La Dives

Le programme d’aujourd’hui ne nécessite pas de manipulations d’oiseaux. Si ça avait été le cas, il aurait nécessité l’application d’un protocole de biosécurité supplémentaire. Le but de ce déplacement sur le terrain est de vérifier que tous les jeunes préalablement identifiés se portent bien. Ils sont ainsi une trentaine d’enfants uniques disséminés à travers le plateau et suivis régulièrement depuis les parades amoureuses des adultes qui préludent à la ponte (mars) jusqu’à l’envol des juvéniles qui intervient au moins de janvier suivant. Les (gros) poussins auxquels nous rendons visite sont nés au mois de mai après 80 jours d’incubation.



Outre la découverte des nids et de leur précieux locataire, nous avons la chance d’assister à deux scènes de nourrissage. Elles durent peu de temps, 10 à 15 minutes. L’essentiel du temps, les petits sont seuls. Ils sont désormais presque aussi gros que leurs parents et ceux-ci se relaient pour alimenter leur progéniture. Et ce n’est visiblement pas une mince affaire…



Le vol des Albatros est majestueux et dégage une impression de puissance et d’apparente facilité. Il est technique, tout en portance. Pas un seul battement d’ailes. La moindre parcelle d’air est exploitée par les 3,50m d’envergure. Du grand spectacle. Et le posé près du nid se fait avec précision. 


Dès l’arrivée de son géniteur, le jeune le sollicite par de petits piaillements et de légers coups de bec sur celui de l’adulte jusqu’à ce qu’il régurgite le menu du jour à son attention. Grosse boule de duvet et de plumes blanches, la couleur du poussin tranche avec celle de la robe de l’adulte, à dominante brune, toute en nuances. Ce dernier est calme, attentionné et parait très pacifique. Les Albatros se laissent d’ailleurs approcher et toucher sans problème. Pour leur malheur parfois…




 
















La tournée se poursuit. Nous sommes en raquettes quasiment depuis l’entrée sur le plateau. Les mousses et fougères colorées et fragiles ne manquent pas. Leur croissance est longue et laborieuse dans cet environnement rude et très venté et le fait de porter aux pieds un équipement adapté limite de façon importante les effets du piétinement. Nous passons à proximité du faux Vulcain, puis du cratère de Vulcain où nous jetons un œil. Les contours  du paysage dans lequel nous évoluons sont délimités par des formations volcaniques imposantes et caractéristiques aux noms bien de chez nous : le Mont de La Dives, sommet de l’île culminant à 881m, la Rambarde, le Mont Fernand, les Trois Demoiselles…

Le cratère de Vulcain

Le Mont Fernand
L’après-midi est déjà bien avancée lorsque nous remettons le cap vers la sortie de la zone protégée où, entre deux reconnaissances de nids, nous aurons juste pris le temps d’avaler un petit casse-croûte pain saucisson, bien de chez nous également. Un nouveau changement de tenue nous attend avant de prendre la direction de la base en passant par Antonelli. Une belle journée de marche et de découvertes.
Souhaitons bonne chance et longue vie à nos Albas d’Ams. Elle a toutes les chances de l’être puisque l’espérance de vie de ces magnifiques oiseaux est de l’ordre de 60 ans. Soixante années durant lesquelles, dès qu’ils seront en âge de se reproduire, ils viendront tous les deux ans avec leur partenaire, toujours le même, pondre un œuf unique sur le Plateau des Tourbières.

 
                                                                                                                          

Alain QUIVORON,
Disams.


jeudi 23 octobre 2014

Semaine de formations médicales


Cette semaine l’hôpital à été le théâtre d’étranges activités, de l’épilation collective aux autopsies de pintades consentantes, en passant, entre autres, par des séances d’acupuncture les uns sur les autres avec un certains succès, il faut bien le reconnaitre.




En effet, étant donné l’isolement extrême de la base, les hivernants doivent  être à même de pouvoir aider le médecin en cas de soucis sur base, de bloc opératoire ou tout simplement savoir gérer eux même une plaie, une hémorragie, une brûlure ou pratiquer une suture s’ils sont isolés en cabane, comme à Entrecasteaux par exemple.



L’intérêt n’est pas que théorique puisque cette année les hivernants ont eu à plusieurs reprises à seconder le médecin dans des actes de petite chirurgie, des soins dentaires ou d’autres contributions qui sont tout autant de chances de pouvoir pratiquer des soins qu’ils ne pourront plus réaliser en dehors de ce contexte insulaire coupé du reste du monde. Ils ont été excellents dans ces domaines au cours de l’année 2014 et les nouveaux arrivants ont réussi avec les éloges du jury leur diplôme de Dr House en herbe.


 


Malgré la réussite de cette semaine par l’intérêt qu’ils lui ont accordé, le sérieux avec lequel ils l’ont suivie et la bonne ambiance, bizarrement, je n’ai suscité aucune vocation et nul n’a encore évoqué la possibilité d’une réorientation de carrière dans le médical. J’y travaille...



















Benjamin RAJON,
Bib et sorcier

vendredi 17 octobre 2014

Entrecasteaux, manip albatros à bec jaune et gorfous sauteurs







Voilà qu’un énième Entrecasteaux s’achève. Ce séjour du premier au six du mois fut consacré aux albatros à bec jaune et aux gorfous sauteurs. Entre les dénombrements sur la plage pour l’un, nous avons posé quelques GPS sur l’autre, tout en rénovant la cabane des légers dégâts occasionnés par le mauvais temps. 










Dans le cadre du programme du suivi à long terme des zones d’alimentations et des performances reproductrices, les déplacements des albatros à bec jaune sont suivis depuis 2007. C’est pourquoi nous avons posés, sur le dos des oiseaux, des gps de petites tailles. Enveloppé dans une gaine thermo-retractable et maintenu sur les plumes, ces appareils nous permettent de savoir précisément où vont se nourrir ces oiseaux. Ces données sont essentielles quant à la conservation de cette espèce et de ses zones d’alimentations.

 

 

En octobre, en période d’incubation, les partenaires d’un couple alternent des séjours en mer de 10 jours et autant sur le nid à couver leur unique œuf sacré. Ils exploitent la zone de convergence entre les eaux subtropicales et subantarctiques et parcourent en moyenne 5000 km en un séjour, sous les caprices de l’océan.





Pendant que le manipeur compte, d'autres se croisent les bras
Les gorfous. Le seul et unique passage permettant leur accès aux colonies d’Entrecasteaux est la Plage. Ces gorfous sont tellement petits et leur mode de reproduction sous les Poas (Poa novarae) est telle que l’estimation de l’effectif de la population en colonie est très compliquée. C’est ainsi que, par différentes techniques, nous sommes chargés de les dénombrer précisément et de façon protocolaire sur cette plage.

 


 





 Aux cotés de ces drôles de pups, de ces skuas toujours à l’affût, de ces massifs et imposants pétrels géants … sous un soleil rayonnant, sous la pluie ou la grêle … « allez les gars, faut aller compter là ! »









La traditionnelle tartiflette du bout du monde, une institution!


Fidèle manipeur

Romain BAZIRE,
Ornithologue



lundi 13 octobre 2014

Baignade en mer avec les pups



Vous avez dit subantarctique ?


Les activités sont nombreuses sur Amsterdam. Qu’elles soient de travail ou de loisir. Parmi ces dernières, il en est une, insoupçonnée : la baignade en mer.

Des trois districts subantarctique des TAAF, Saint Paul et Amsterdam est celui qui, situé le plus au Nord par 37°50S, bénéficie du climat le plus doux. D’aucuns le comparent d’ailleurs à celui de la Bretagne. Mais ne vous y trompez pas, ce qui vaut au niveau de la mer où est implantée la base Martin de Viviès n’est plus vrai dans les hauteurs de l’île où la dimension subantarctique prend tout son sens avec en particulier une nette accélération des vents et une chute des températures.
Revenons à la cale d’accès à la base puisque c’est elle qui nous intéresse aujourd’hui. La température moyenne de l’eau de mer à ce niveau varie dans une fourchette allant de 10 à 15°en fonction de la saison. Si elle n’est pas assez élevée pour qualifier Amsterdam de Tahiti Austral, elle est néanmoins suffisante pour autoriser la baignade aux volontaires correctement équipés. Et les volontaires ne manquent pas…







 
 

Dès lors, il ne reste plus qu’à attendre que les conditions soient favorables. En effet, à 3000km de La Réunion, il n’est pas question de prendre le moindre risque et le protocole à appliquer est particulièrement strict pour cette activité (mer très calme, néoprène et palmes obligatoires, deux personnes à l’eau au minimum, bouée couronne avec bout délimitant la largeur du champ de baignade, présence du médecin et du chef de district…). Au bilan, l’exercice est plutôt rare du fait, principalement, de la houle importante qui bat de façon presque ininterrompue les côtes d’Amsterdam. Ainsi, nos prédécesseurs de la Mission 65 n’ont pu profiter de ce privilège qu’à quatre reprises.
C’est pourquoi, lorsque l’opportunité se présente, il serait dommage de bouder son plaisir. Et elle s’est présentée quinze jours après notre arrivée. Même le grand ciel bleu était de la partie !




Une eau claire, des évolutions parmi les jeunes otaries ou pups que l’on peut presque toucher, une multitude de bleus (sorte de daurade locale), des petites langoustes et même un éléphant de mer nonchalamment vautré sur la cale et visiblement peu perturbé par nos ébats nautiques.
Un pur bonheur. Je vous laisse juge. Les photos parlent d’elles-mêmes.

























Alain QUIVORON,
Disams