L’une des principales activités scientifiques menées à Amsterdam à l’occasion de la campagne d’été a consisté en une étude des sols réalisée par les programmes Palatio et Parad entre la fin novembre et la fin décembre 2014 (période OP3/OP4) à des fins de paléoclimatologie (reconstitution des climats passés).
Le camp de base des cinq chercheurs concernés a été mis en place par l’hélicoptère du Marion Dufresne le 25 novembre dans la ravine Coleridge, sur les hauts de l’île, et le matériel spécifique déposé par le même moyen à la Caldeira, lieu de prospection privilégié situé dans la zone protégée du plateau des Tourbières.
Les travaux ont principalement consisté en des carottages de tourbe à proximité du lac Bleu et en un recueil de végétaux et de minéraux ; les différents éléments rassemblés étant ensuite destinés à être analysés dans des laboratoires spécialisés métropolitains ou à l’étranger.
Après des débuts difficiles, du fait de conditions météorologiques défavorables (fort vent, précipitations et absence de visibilité) bloquant les scientifiques dans leur camp de base et les empêchant de rallier leur zone de travail, le sommet de l’île s’est enfin dégagé, autorisant ainsi les premières prospections.
Au terme de trois semaines d’investigations, environ 400 kg d’échantillons ont été récoltés et rassemblés près de la caisse technique dans le cœur de la Caldeira, nécessitant onze aller-retours entre la ravine Coleridge et le lac Bleu. Les transits dans ce secteur normalement interdit d’accès du fait du niveau de protection qui lui est attribué ont été soigneusement comptabilisés et couverts par un arrêté préfectoral spécifique. Pas très loin de là niche en effet la colonie, unique au monde, d’Albatros d’Amsterdam, comptant moins de 200 individus.
Le 14 décembre, l’équipe des paléoclimatologues a pu redescendre sur base, tous travaux terminés, camp de base et matériels divers reconditionnés dans la perspective de leur retrait par hélicoptère.
21 décembre. Le Marion Dufresne et son hélicoptère sont au rendez vous de l’OP4. Malheureusement, pendant les trois jours de présence du navire ravitailleur devant Amsterdam, la persistance d’une forte couverture de nuages peu élevés va interdire à l’aéronef d’accéder dans les hauteurs de l’île. C’est la consternation chez les chercheurs. Le matériel et surtout les 400 kg d’échantillons vont devoir rester sur site jusqu’à la prochaine mission logistique du bateau et de son précieux auxiliaire prévue pour l’OP2/2015 (fin septembre).
Il apparait rapidement que les carottes de tourbe ne supporteront pas les aléas climatiques de l’hiver austral durant une aussi longue période à près de 800 m d’altitude. Il est donc décidé, en accord avec la Direction de la conservation du patrimoine naturel, d’aller récupérer les échantillons à dos d’homme dans la zone protégée pour les ramener à Martin de Viviès. Il est prévu que ceux-ci soient ensuite transférés à bord du Marion Dufresne à l’aide d’une de ses embarcations à l’occasion de son passage devant Amsterdam fin janvier pour une mission océanographique au profit de l’IPEV (pas d’hélicoptère à bord).
L’opération de récupération a nécessité un peu de travail de préparation et de réflexion en amont. Descendre des carottes de tourbe de 40 kg et de près de 3 mètres de long de 800 m d’altitude par les sentiers accidentés que l’on connait dans nos terres australes est tout sauf anodin. Mais à Amsterdam on a de la ressource et … des éléments de valeur : l’essentiel de l’effectif de la base s’est réparti en trois équipes pour sortir les différents prélèvements de la Caldeira en optimisant les voyages pour minimiser les effets négatifs du piétinement sur l’environnement.
Fédératrice, cette mission originale et imprévue a rencontré l’adhésion de tous sur le terrain et a été ressentie comme un challenge au profit de la recherche scientifique. Outre le mois passé en prospection sur Amsterdam, la campagne des paléoclimatologues a en effet demandé près de deux ans de préparation et nécessitera encore de nombreux mois de travail en laboratoire.
Mêlant personnel TAAF et IPEV, elle est un exemple de la complémentarité et de l’entente entre ces deux organismes à l’échelle de la vie quotidienne sur les districts. Elle restera pour beaucoup un moment fort de l’hivernage.
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Dans un cadre toujours aussi magique.
Il était question de Tahiti austral à propos d'Amsterdam dans un précédent article, mais on pourrait tout aussi bien parler de perle des TAAF...
29 janvier. Le Marion Dufresne est de retour pour l’OP0 2015 ou plus exactement la rotation LOGIPEV. Les caisses de minéraux et de végétaux et les carottes de tourbe, jusque là entreposées sur base en chambre réfrigérée, sont conditionnées sous plastique et acheminées vers la cale pour être prises en charge par les vedettes du navire.
Les échantillons sont bien arrivés à bord du MD. D’aucuns les y ont vus. Pour l’équipe d’Amsterdam c’est la fin de l’opération « Poids de carottes ». Place à la recherche scientifique. Il reste le souvenir de moments uniques, partagés par une bande de copains, là haut dans la Caldeira…
Alain Quivoron
Disams