Au cœur de la dernière forêt naturelle, appelée « Grand Bois » |
De nos jours, sur l’île Amsterdam, on peut encore observer la dernière et unique forêt naturelle, qui plus est primaire, des Terres australes françaises. Alors que la forêt ceinturait l’île entre 100 et 250m d’altitude avant l’arrivée de l’Homme, aujourd’hui sa superficie c’est réduite à quelques centaines de mètres carrés. Cette petite forêt relique très fragile et dense est appelée « Grand Bois ». Près de la coulée Heurtin on recense aussi quelques arbres qui seraient relictuels, appelés « Petit Bois ».
Phylica arborea¹ |
Le seul et unique arbre qui forme
cette forêt est le Phylica arborea¹,
un arbre sub-endémique que l’on retrouve uniquement sur notre petit bout de
France et sur le complexe d’îles de Tristan Da Cunha dans l’Atlantique, où il
est connu sur Nightingale Island, Inaccessible Island, Tristan Da Cunha et
Gough Island.
Phylica nitida² |
On dénombre de nombreuses espèces de Phylica à travers le monde, 148 aux dernières estimations, toutes réparties entre le sud de l’Afrique (Afrique du Sud, Mozambique) et les îles proches (Madagascar, Mascareignes, Saint-Hélène, Tristan Da Cunha, Amsterdam). L’Ambaville bâtard (Phylica nitida²), endémique des Mascareignes, est bien connu des réunionais. D’après les analyses génétiques le Phylica d’Amsterdam serait, probablement grâce aux oiseaux, arrivé il y a près de 500 000 ans depuis l’île de Gough, car les 2 populations sont très proches génétiquement.
Gleichenia polypodioides |
Elaphoglossum succisifolium, « Corne de Cerf » |
D’autres espèces comme Asplenium blotiae, Dryopteris antarctica, Ficinia nodosa, Rumohra adiantiformis ou encore Isolepis aucklandica se rencontrent dessous la ramure des arbres. Sur les vieux troncs de Phylica, dont certains ont probablement dépassé le siècle d’existence, on retrouve quelques lichens. Certains sont inféodés aux écorces, tels que Pseudocyphellaria aurata, un lichen foliacé. D’autres, plus généralistes, comme le fameux Caloplaca amsterdamensis, l’un des deux lichens endémiques stricts du district de Saint-Paul et Amsterdam, peuvent également se rencontrer sur roche en d’autres endroits de l’île. Pour terminer, dans des trous formés par la tourbe, on peut également rencontrer des mousses, ou plutôt des hépatiques, comme les minuscules Lepidozia cf. laevifolia.
Lepidozia cf. laevifolia |
Pseudocyphellaria aurata |
Caloplaca amsterdamensis |
Dryopteris antarctica |
Les feux, les bovins et les prélèvements de bois par les bateaux de passage sont ou ont été les principales causes de sa disparition. Depuis que les bovins, et les ravages qu’ils causaient sur la végétation, ont été supprimés, les TAAF ont mis en place un programme de restauration dans le cadre de la gestion de la réserve naturelle nationale des Terres australes françaises. Ce nouveau programme conforte les premiers efforts de réintroduction débutés par le Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris à la fin des années 80 et dont les boisements actuels (Chaudrons, Ravine des Noctambules, BMG, etc) donnent une vision et un recul sur les efforts à mener.
Appelée anémomorphose, l'action du vent « déforme » le port des arbres |
Aujourd’hui, en plus des problèmes causés sur les populations aviaires, les souris empêchent la régénération naturelle par le grignotage des graines et les rats dégradent les jeunes plants. Dans ce contexte, l’élimination simultannée des rats surmulots et des souris planifiée par le projet 11ème FED RECI (Restauration des Ecosystèmes Insulaires de l’océan Indien) devrait contribuer à une meilleure dynamique de l’espèce et à la sauvegarde du seul arbre indigène des Terres australes françaises.
La forêt primaire toujours préservée |
Aller plus loin :
- Richardson_2003_Species delimitation and the origin of population in island representatives of Phylica
Texte et photos : Flavien Saboureau ∎