vendredi 26 janvier 2018

Les coulisses d'un métier difficile : reporter animalier

Nous avons eu il y a quelques semaines une agréable visite sur base, extrêmement rare, celle d’un gorfou sauteur subtropical. Ce dernier est arrivé tout simplement par le bâtiment de la gérance postale, puis a traversé l’avenue Martin-de-Viviès avant de prendre la pose sous les fenêtre de la cuisine, sans doute intrigué par l’odeur des bons petits plats en cours de préparation. 

Peu habitués à cette présence, les hivernants se sont découvert à cette occasion une nouvelle passion : le photo-reportage animalier, dont nous vous livrons les coulisses en exclusivité

© Geoffroy PREVINQUIERES

© Isabelle JOUVIE

© Geoffroy PREVINQUIERES

© Isabelle JOUVIE

© Mathias RÉGNIER

© Mathias RÉGNIER



lundi 8 janvier 2018

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur Amsterdam...

Les élèves de la classe de CM2 de l'école Jules Ferry de La-Celle-Saint-Cloud (78) nous ont écrit pour nous poser de nombreuses questions. Nous nous sommes réunis pour y répondre !


Cyprien, Jérémy, Yann, Mathias, Chloé, Geoffroy, Léa et Rémy répondant aux questions des élèves


KAREL : Durant le voyage avez-vous vu des baleines ?

Oui, surtout entre Crozet et Kerguelen. Nous avons notamment vu des baleines à bosse, des baleines bleues, des rorquals communs et des orques. Parfois nous voyons même des orques devant la base Martin-de-Viviès.

Orques devant Crozet © Léa GEST

ERIJ : Avez-vous eu le mal de mer ?

Certains ont en effet eu le mal de mer J Surtout entre ce l'on appelle les 40e rugissants et les 50e hurlants (c'est-à-dire entre le 40e et 50e parallèles de l'hémisphère sud) où les vents sont particulièrement violents et la mer agitée en l'absence de terres pour les casser et les ralentir. On ressent alors le tangage (oscillation d'avant en arrière) et le roulis (mouvement d'oscillation latérale, le navire s'inclinant alternativement sur tribord et sur bâbord). Il y a un médecin sur le bateau qui nous donne des patches et des cachets contre le mal de mer, mais au bout de 2 semaines on finit par s'y habituer. Ensuite une fois sur terre, certains ont ce qu'on appelle le mal de terre, c'est la sensation d'être encore sur le bateau alors que nous sommes à terre, ça dure plusieurs jours.

 
Mer agitée devant Amsterdam

HERMANN : Avez-vous déjà vu des attaques de prédateurs sur des nids ?

Nous avons déjà observé des attaques de skua sur des œufs d'albatros à bec jaune, mais pas sur les poussins. Les skuas ne sont pas des prédateurs mais des charognards. Ils attaquent (prédatent) les œufs quand l'adulte est absent ou a abandonné le nid. Et parfois les pétrels géants subantarctiques restent aux abords des colonies de gorfous sauteurs subtropicaux et s'attaquent aux poussins et même aux adultes, surtout quand ces derniers sont affaiblis.

Skua au-dessus d'un poussin d'albatros à bec jaune © Chloé TANTON
 

MAENA : Quelle est la nature du sol de l'île ?

L'île est un volcan, formé en 2 étapes, la 1ère il y a un million d'année et la seconde il y a 300.000 ans environ. Le sol est donc composé de roches volcaniques, des roches noires, assez fines et très poreuses. Le sol est recouvert d'une végétation qui forme un tapis, essentiellement du scirpe, de la houlque laineuse, des herbes hautes (poa novare) et des phylicas, le seul arbre présent naturellement sur l'île !
 
Paysage d'Amsterdam © Mathias RÉGNIER
 
Comment vous faites en cas de blessures graves ?

Nous avons sur place un médecin et un hôpital. Avant de partir, le médecin a une formation complémentaire pour être le plus polyvalent possible (chirurgie, radiologie, dentisterie…). Tous les hivernants sur l'île on fait un examen médical très poussé avant de partir pour être sûr d'être en bonne santé. Mais les accidents sont toujours possibles, et dans ce cas nous faisons tout pour les soigner sur place (certaines personnes sont même formées par le médecin pour pouvoir l'assister). En cas d'accident grave que nous ne pouvons pas soigner sur place, nous organisons une évacuation sanitaire, mais pour cela nous avons besoin de mobiliser un bateau avec un hélicoptère, et cela prend forcement beaucoup de temps (environ 10 jours pour être hospitalisé à la Réunion) car il y a très peu de bateaux dans les eaux d'Amsterdam.


Intérieur de l'hôpital : salle de soin et bloc opératoire © Rémy LEMARCHAND
 

MAENA NAOMIE STACY : Y a-t-il déjà eu des tremblements de terre ?

Il y a sur Amsterdam une station sismologique pour mesurer l'ensemble des activités sismiques de la terre. Mais selon notre sismologue il n'y a jamais eu de tremblement de terre important sur Amsterdam, le plus important a été mesuré à 1000 km (de magnitude 4).

Mesure d'un séisme de magnitude 6,5 © Cyprien GRIOT
Date : 2017-12-15
Heure : 16:47:56
Latitude : -7.7343
Longitude : 108.023
Profondeur : 91.86
Localisation : ESE of Cipatujah, Indonesia
Distance par rapport à Amsterdam : 4532.23
  

 
MAENA NAOMIE YASMINE M ALEXANDRA : Combien d'habitants sur l'île y a-t-il ?

Il y a sur l'île en moyenne 22 habitants à l'année. On les appelle les « hivernants », car ce sont ceux qui passent l'hiver sur l'île et restent donc une année entière (ici l'hiver correspond à l'été en métropole, car nous sommes dans l'hémisphère sud) :

  • 9 personnes en charge des services techniques (travaux, télécommunications, électricité, eau, garage, approvisionnement…)
  • 6 scientifiques (ornithologue, informaticien, sismologue, chimistes de l'air, logisticien…)
  • 3 agents de la Réserve Naturelle chargés notamment de la restauration du phylica, du suivi « flore et habitat » et du suivi et de la gestion des populations d'espèces animales introduites
  • 2 cuisiniers
  • 1 médecin
  • 1 chef de district

Puis nous accueillons quelques personnes supplémentaires pendant un mois en été (en décembre chez nous) que l'on appelle les campagnards d'été. Ce sont en général des scientifiques qui viennent le temps d'une mission spécifique. Cette année nous étions en tout 33 pendant le mois de la campagne d'été.
 
Photo de la première mission en 1950 !

 
SERENA : Comment faites-vous pour vous habituer à l'isolement ?

Tout d'abord il faut bien avoir en tête que les gens qui viennent ici sont volontaires et savent donc qu'ils vont être isolés pendant un an, donc on s'y prépare à l'avance. Le plus important c'est de former une communauté soudée et que chacun se soutienne et se sente soutenu en cas de difficulté. Mais contrairement à il y a quelques années, les moyens de communication et d'information sont plus efficaces. Nous avons un (très faible) accès à internet et les moyens de téléphoner. Nous recevons aussi les journaux avec un petit décalage. Tout cela nous permet de rester en lien avec nos proches et avec l'actualité en métropole ou à La Réunion.


Quel est le climat de l'île ? ses températures ? Ses saisons ?

Le climat ressemble beaucoup à celui de la Bretagne. Sauf que les saisons sont inversées car nous somme dans l'hémisphère sud, et qu'elles sont moins contrastées, nous avons juste un été et un hiver. Les étés sont doux et les hivers peu marqués, mais assez tempétueux. La température moyenne annuelle est d'environ 13°/14°, disons qu'elle oscille entre 10° et 20° dans l'année, avec des records à 2° et 26°. Il pleut presque toute l'année, avec un petite période sèche vers février.

Un air de Bretagne © Mathias RÉGNIER
 
HELENE : Y a-t-il des champs cultivables ?

Il y a eu des tentatives il y a longtemps, mais les résultats n'étaient pas au rendez-vous. De plus, il n'existe pas d'espèces cultivables présentes à l'origine. Les expériences menées l'ont donc été avec des espèces introduites depuis la métropole ou La Réunion. Depuis 2006, l'île est une Réserve Naturelle, il est donc strictement interdit d'introduire de nouvelles espèces. Toutefois, nous avons une petite serre dans laquelle nous produisons quelques fruits et légumes pour notre consommation, mais selon un protocole strict afin que les graines ne puissent pas s'échapper et pousser sur l'ile en dehors de la serre.

Culture d'eucalyptus dans les années 70 © archives du district

YASMINE M SERENA SYLVAIN : Comment faites-vous pour avoir de l'électricité et de l'eau potable ?

Nous avons des générateurs qui produisent de l'électricité à partir du gasoil qui nous est livré une fois par an. Il ne s'agit pas d'une production d'énergie très propre, c'est pourquoi nous sommes en train de réfléchir à une production d'énergie plus respectueuse de l'environnement. Mais il ne faut pas oublier que nous avons de nombreuses contraintes techniques liées à notre isolement qui ne nous permettent pas de bénéficier des mêmes technologies qu'en métropole. Quant à l'eau, nous récupérons l'eau de pluie sur les toits des bâtiments, puis nous la retraitons pour notre consommation.

Réserves d'eau © Léa GEST
 
AYMERIC : Combien avez-vous d'espèces animales ?

Nous en avons beaucoup… et certaines espèces sont de passage et ne peuvent pas être comptées… Les principales espèces présentes sur l'île sont :

  • Les otaries à fourrure subantarctique
  • Les éléphants de mer
  • Les orques
  • Les langoustes d'Amsterdam
  • Les poissons (le Saint-Paul, le bleu, le rouget…)
  • Les oiseaux marins (essentiellement le gorfou, l'albatros à bec jaune, l'albatros d'Amsterdam, l'albatros fuligineux à dos sombre, la sterne subantarctique, le skua, le pétrel… et des oiseaux occasionnels de passage)
  • Les mammifères introduits par l'Homme (souris, rat, chat)
  • Et des insectes (voir plus loin)

Otaries à fourrure subantarctique © Léa GEST

Avez-vous déjà capturé des chats harets ?

Les chats sont présents depuis les années 30 sur l'île. Il y a quelques années, certains ont même été adoptés par des hivernants ! Mais à présent, l'objectif est d'éliminer les espèces introduites, comme le chat haret, la souris ou le rat surmulot, qui causent des dégâts sur le faune et la flore endémique (présent à l'origine et propre à Amsterdam). C'est pourquoi cette année, et pour les années à venir, nous accueillons un agent de la Réserve Naturelle dont la mission sera d'observer et étudier ces espèces. Il devra donc capturer des chats harets ! Pour l'instant, il a installé des pièges-photo afin de les compter et les localiser.

Zyphon, adopté par la 37e mission en 1986 © Photos d'archive


Photo-piégeage d'un chat haret à Amsterdam © Réserve Naturelle Nationale des Terres australes françaises

YASMINE M ALEXANDRA : Avez-vous des véhicules ?

La base est toute petite, nous nous déplaçons à pied, contrairement à Kerguelen où il faut parfois une voiture pour se déplacer. Il y a eu des voitures il y a très longtemps, mais nous n'avons plus de moyens de transport mécanisés. En revanche nous avons de nombreux engins pour la logistique : 2 tracteurs, 1 camion grue, 1 véhicule avec une fourche télescopique, 1 mini-pelleteuse et des brouettes ! Nous avons aussi quelques vélos mais nous les utilisons assez peu.
 

"Manitou"

Mangez-vous de tout ?

Oui nous mangeons de tout grâce à nos 2 cuisiniers ! Une partie de notre alimentation est à base de produits surgelés ou de conserve, mais quand le Marion Dufresne passe (4 fois par an) il nous apporte de nombreux produits frais que nous consommons dans les semaines qui suivent. Nous pêchons aussi nous-même du poisson et des langoustes.
 
et même des barbecues !

RAPHAEL : Etudiez-vous aussi les insectes, les papillons ?

Il y a eu un petit inventaire il y a quelques années qui sera complété de façon exhaustive pour la première fois cette année par un agent de la Réserve Naturelle Nationale. Nous vous en reparlerons donc en cours d'année !

© Réserve Naturelle Nationale des Terres australes françaises

© Réserve Naturelle Nationale des Terres australes françaises
  
LEITH : Y a-t-il des endroits inaccessibles sur l'île ?

D'une façon générale, il est possible d'accéder partout sur l'île à pied, sauf dans les falaises où nous n'avons pas de matériel de montagne (et nous ne sommes pas alpiniste de toute façon !). Mais nous y allons uniquement lorsqu'il y a des raisons scientifiques, et nous essayons de mutualiser les déplacements (par exemple si l'ornithologue et un agent de la réserve naturelle doivent se rendre au même endroit). Pour des raisons de sécurité, les déplacements doivent se faire à 3 personnes minimum, et en limitant au maximum le nombre de personnes nécessaires pour le soutien aux études scientifiques. Toutes ces sorties sont soumises à l'autorisation du chef de district. De plus, il y a 2 zones sur l'île qui sont protégées : le plateau des Tourbières et les falaises d'Entrecasteaux. Chaque programme scientifique a un nombre d'accès limité à ces zones afin de les protéger au maximum.

Falaises d'Entrecasteaux © Jérémy BAILLY



samedi 6 janvier 2018

Qu'est-ce qu'une OP ?

Une « OP » est un mot qui revient souvent dans le jargon des TAAF et de l’IPEV. Il s’agit d’une « opération portuaire » réalisée par le Marion Dufresne. En d’autres termes, il s’agit d’une rotation du bateau sous son aspect logistique


Le Marion Dufresne devant Amsterdam © Mathias RÉGNIER


Il y en a 4 par an, le calendrier est en général le suivant :
  • La 1ère en mars/avril
  • La 2e en aout/septembre
  • La 3e en novembre
  • La 4e en décembre
Les objectifs des OP sont souvent les mêmes, même si certaines ont leurs spécificités.
  • Ravitaillement des bases en nourriture, en matériel et en énergie
  • Transport du personnel sur les districts (pour les déposer ou les récupérer)
  • Réalisation de missions spécifiques le temps de l’OP
  • Embarquement de quelques touristes et d’agents des TAAF et de l’IPEV le temps de la rotation 

OP en 1965 © archives du district
  
Pour une petite île isolée comme Amsterdam, il s’agit souvent de notre seul contact « en chair et en os » avec des extérieurs pendant l’année. Selon les conditions météorologiques, une OP dure à Amsterdam de quelques heures (voire même peut être annulée dans les cas extrêmes) à 4 jours, la moyenne étant de 3 jours et 2 nuits.

Tout le personnel de la base est extrêmement mobilisé le temps des OP afin de réaliser toutes les missions dans le peu de temps imparti. C’est également l’occasion de faire découvrir le district aux 12 touristes embarqués sur le Marion Dufresne, qui tiennent également un blog le temps de la rotation.


Accueil des touristes lors d'OP2

L'OP2 permet le remplacement du personnel militaire et le chef de district, OP3 le remplacement du médecin et l'arrivée des nouveaux scientifiques, OP4 le départ des anciens scientifiques.

OP3 et OP4 se sont déroulées du 26 au 29 novembre et du 22 au 24 décembre. OP3 a donc vu débarquer 9 nouveaux hivernants et 4 campagnards d’été, présents 1 mois jusqu’à OP4. Pendant le mois de décembre se sont déroulés les passations entre Volontaires du Service Civique (VSC) entrants et sortants et depuis OP4 nous sommes revenus dans notre configuration classique, c’est-à-dire 22 hivernants.

Arrivée en hélicoptère des nouveaux hivernants © Jérémie BOUTOILLE

lundi 1 janvier 2018

31 décembre 1949 : Première mission à Amsterdam

Il y a 68 ans, le 31 décembre 1949, Martin de Viviès arrivait sur Amsterdam avec la 1ère mission.

Après 4 siècles d’histoire, de sa découverte à sa prise de possession officielle, en passant par diverses tentatives d’exploitation, l’île d’Amsterdam se retrouvait à l’abandon et sa souveraineté menacée. Après la seconde guerre mondiale, de nombreux pays cherchent à implanter des stations radio-météo.

« Ces points délaissés, perdus dans les immensités des mers australes, ne vont pas tarder, à cause même de leur isolement, à être l’objet d’un intérêt international ».
Martin de Viviès

« A une époque où les besoins sans cesse croissants des utilisateurs de la météorologie obligent certains pays, dont la France, à entretenir à gros frais, des stations flottantes (frégates météorologiques de l’Atlantique), une île située à des distances sensiblement égales (de l’ordre de 3 500 km) de l’Antarctique, de l’Australie et de Madagascar, devait nécessairement recevoir une station météorologique permanente. Il devenait non moins nécessaire de confirmer, par la présence, des droits que le défaut d’occupation et l’évolution du droit international auraient pu rendre contestable. »
Martin de Viviès

Le 12 novembre 1949, la navire SAPMER quittait Marseille avec à son bord 5 météorologues, 4 radios, un infirmier et 135 tonnes de matériel. Il récupera lors de son escale à La Réunion 15 autres personnels, ce qui porta les effectifs de la première mission à 25. La base de l'île Amsterdam porte aujourd'hui le nom de son premier chef de district : Martin de Viviès.


Première mission - 1950 © archives du district
Premier campement - 1950 © archives du district
Premières installations en dur - 1950 © archives du district