samedi 9 avril 2016

Interview « sans concessions » d’Estelle, écrivain-voyageur en résidence de création à Amsterdam

Estelle NOLLET, la célèbre écrivain-voyageur de 39 ans, déjà auteur de trois romans à succès tous primés, a été sélectionnée dans le cadre de la troisième édition de « l’Atelier des ailleurs » (un partenariat entre les TAAF, la direction des affaires culturelles - océan Indien et le FRAC Réunion – fond régional d’art contemporain, avec le soutien d’Air France) pour une résidence de création artistique de quatre mois sur l’île d’Amsterdam entre Noël 2015 et fin avril 2016. Elle partage ainsi depuis trois mois désormais le quotidien de 21 autres hivernants sur la base Martin-de-Viviès et travaille sans relâche à l’écriture de son quatrième roman.

L’écrivain posant devant sa résidence de création : la base Martin-de-Viviès (photo : Nicolas A.)
Bien au fait de l’importante popularité de notre blog sur la toile, elle a facilement accepté notre demande d’interview (NDLR : n’étant certainement pas non plus opposée à un peu de publicité gratuite !) et a donné rapidement rendez-vous à notre équipe au « Skua », bar cosy d’Amsterdam où elle a ses habitudes. Elle nous y rejoint le 30 mars vers 17 heures, après une journée chargée entre écriture, recherches documentaires et échanges avec les hivernants. Elle entre trempée par les précipitations australes qui persécutent le district depuis quinze jours, dégoulinante malgré une doudoune qui avait pourtant fait ses preuves à Kerguelen, mais reste stoïque et souriante, certainement déjà aguerrie à la vie dans ces contrées lointaines, et elle fait comme si de rien n’était. Très naturelle, elle nous claque une bise et se jette sur son canapé fétiche dans un angle de la pièce, commande une verveine-menthe fumante, nous tutoyant d’emblée (une habitude prise sur la base, où tout le monde se tutoie) et entame cash la conversation comme avec une vieille copine quittée la veille.

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Notre journaliste : tu es donc arrivée ici fin décembre pour écrire ton quatrième roman, est-ce que ça marche ? Trouves-tu l’inspiration pour écrire ?

Elle : clairement oui, tout à fait ! Le bouquin va bien, merci, il devrait être quasiment fini à mon départ, c’est plutôt l’auteur qui a du mal (rires) ! Le travail d’écriture prend ici au final moins de temps que le travail sur soi ! Mais cette île, cet endroit, est un lieu vraiment fantastique pour écrire un bouquin, c’est un véritable terreau pour décrire l’environnement, la faune et la flore. La présence ici aussi de talents multiples, de différents métiers, est une vraie richesse, chacun ayant de plus à cœur de partager facilement ses connaissances et son expérience avec moi.

Où t’es tu installée pour être tranquille et écrire ?

J’ai eu deux lieux de prédilection durant ce séjour. Au début, j’ai travaillé dans la petite bibliothèque de la base, isolée et calme ; et malgré une légère odeur de moisi, quel plaisir de se trouver ainsi au contact de vieux ouvrages comme le Larousse du XXème siècle en dix volumes de 1932 ! Excellent pour les  connexions synaptiques (sic) !  Mais les jours raccourcissant et la météo se dégradant,  elle devenait trop sombre et trop humide, j’ai eu besoin de changer. J’ai alors essayé le jardin météo : échec car trop de mouches vrombissent là-haut. Je ne souhaitais pas initialement travailler dans ma chambre pour éviter la lassitude, mais je me suis progressivement faite à cette idée et j’ai du coup poursuivi mon travail là-bas, dans cette pièce spacieuse et surtout lumineuse, où je me sens bien.

Sans dévoiler prématurément l’intrigue à tes nombreux aficionados qui liront cette interview, peux-tu nous dire un peu de quoi parle ton nouveau récit ?

Estelle en pleine conversation avec notre journaliste (photo : Nicolas A.)
Euh … (elle hésite), bon, les hivernants, eux,  savent de quoi parle le bouquin et c’est normal, car ils participent aussi à cette aventure à mes côtés et à ce projet d’écriture, ne serait-ce qu’en répondant à mes nombreuses questions ! Mais je ne préfère pas en dire plus à ce stade, je peux juste annoncer qu’il s’inscrit dans la lignée de mes trois premiers romans : je m’intéresse toujours autant aux rescapés, à l’isolement, à la survie au sein d’une communauté …


L’île d’Amsterdam est splendide, isolée et unique par bien des aspects, quel est celui qui  t’as le plus séduite ?

Dès le début et sans aucun doute : la profusion de la faune ! C’est clairement ce que je voulais trouver, c’était là mon principal attrait vis-à-vis de cette île et je dois avouer que je n’ai pas été déçue : vivre ainsi dans une telle proximité d’une des plus grosses colonies d’otaries à fourrures du monde, c’est tout simplement incroyable ! Pouvoir aussi contempler les orques et les albatros au loin, voir les petites otaries naître, grandir, pousser leurs premiers cris, apprendre à se déplacer à terre puis un jour se jeter à l’eau … je suis toujours sous le charme !

La base est plutôt spacieuse et accueillante, bien équipée et confortable. Est-ce que cependant quelque chose te manque ici,  à part bien entendu ta famille et tes proches ?

A part mes proches, mes chats me manquent (rires) ! Plus sérieusement et après réflexion, pas grand-chose en définitive … Peut-être une connexion internet un peu plus rapide afin de pouvoir faire davantage de recherches documentaires pour mon travail, bien que mes parents m’aient beaucoup aidée en me transmettant régulièrement des éléments par mail. A mon retour, j’aurai certainement hâte de me faire une petite expo photo ou un musée. 

Discussion avec les hivernants lors d’un barbecue sous le guétali (photo : Nicolas A.)

Ton séjour à Amsterdam touche bientôt à sa fin puisque tu quitteras cet endroit chaleureux fin avril.  Une question un peu plus personnelle pour finir cette interview, penses-tu avoir été changée par cette expérience incroyable ? As-tu appris sur toi-même ?  

(Elle hésite et sourit) Oui certainement ...  A travers cette expérience fatigante mais tellement enrichissante, j’ai vraiment pu expérimenter ici la vie en microcosme, un sujet sur lequel je travaille finalement depuis longtemps sans l’avoir nécessairement vécu par moi-même jusqu’à présent. Je me suis confrontée à un environnement nouveau, j’ai côtoyé des corps de métier différents, donc  des façons de penser qui m’étaient étrangères … Tout cela m’a obligé à me remettre en question, à engager une réflexion profonde sur moi-même et sur ma façon de voir les choses, de m’exprimer, de revenir aussi sur mes aprioris,  bref, un gros travail d’introspection que je n’avais pas du tout prévu ni anticipé en arrivant ici … mais qui, j’en suis certaine, me sera très bénéfique avec plus de recul, donc oui, indéniablement, ne serait-ce ce que pour ces aspects là, je vais rentrer en métropole changée par cette belle aventure !

Merci beaucoup !

Mais avec grand plaisir !

Pour en savoir plus sur Estelle NOLLET : www.estellenollet.com
Journaliste : Nicolas A.