Estelle NOLLET, la
célèbre écrivain-voyageur de 39 ans, déjà auteur de trois romans à succès tous
primés, a été sélectionnée dans le cadre de la troisième édition de « l’Atelier
des ailleurs » (un partenariat entre les TAAF, la direction des affaires culturelles
- océan Indien et le FRAC Réunion – fond régional d’art contemporain, avec le
soutien d’Air France) pour une résidence de création artistique de quatre mois
sur l’île d’Amsterdam entre Noël 2015 et fin avril 2016. Elle partage ainsi
depuis trois mois désormais le quotidien de 21 autres hivernants sur la base
Martin-de-Viviès et travaille sans relâche à l’écriture de son quatrième roman.
L’écrivain posant devant sa résidence de création : la
base Martin-de-Viviès (photo : Nicolas A.)
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Bien au fait de l’importante popularité de notre blog sur la
toile, elle a facilement accepté notre demande d’interview (NDLR : n’étant certainement pas non plus opposée à un peu de
publicité gratuite !) et a donné rapidement rendez-vous à notre équipe
au « Skua », bar cosy d’Amsterdam où elle a ses habitudes. Elle nous
y rejoint le 30 mars vers 17 heures, après une journée chargée entre écriture,
recherches documentaires et échanges avec les hivernants. Elle entre trempée
par les précipitations australes qui persécutent le district depuis quinze
jours, dégoulinante malgré une doudoune qui avait pourtant fait ses preuves à Kerguelen,
mais reste stoïque et souriante, certainement déjà aguerrie à la vie dans ces
contrées lointaines, et elle fait comme si de rien n’était. Très naturelle, elle
nous claque une bise et se jette sur son canapé fétiche dans un angle de la
pièce, commande une verveine-menthe fumante, nous tutoyant d’emblée (une
habitude prise sur la base, où tout le monde se tutoie) et entame cash la
conversation comme avec une vieille copine quittée la veille.
* *
*
Notre
journaliste : tu es donc arrivée ici fin décembre pour écrire ton
quatrième roman, est-ce que ça marche ? Trouves-tu l’inspiration pour
écrire ?
Elle : clairement oui, tout à fait ! Le bouquin va
bien, merci, il devrait être quasiment fini à mon départ, c’est plutôt l’auteur
qui a du mal (rires) ! Le travail d’écriture prend ici au final moins de temps
que le travail sur soi ! Mais cette île, cet endroit, est un lieu vraiment
fantastique pour écrire un bouquin, c’est un véritable terreau pour décrire
l’environnement, la faune et la flore. La présence ici aussi de talents
multiples, de différents métiers, est une vraie richesse, chacun ayant de plus
à cœur de partager facilement ses connaissances et son expérience avec moi.
Où t’es tu installée
pour être tranquille et écrire ?
J’ai eu deux lieux de prédilection durant ce séjour. Au
début, j’ai travaillé dans la petite bibliothèque de la base, isolée et calme ;
et malgré une légère odeur de moisi, quel plaisir de se trouver ainsi au
contact de vieux ouvrages comme le Larousse du XXème siècle en dix volumes de
1932 ! Excellent pour les
connexions synaptiques (sic) ! Mais les jours raccourcissant et la météo se
dégradant, elle devenait trop sombre et trop
humide, j’ai eu besoin de changer. J’ai alors essayé le jardin météo :
échec car trop de mouches vrombissent là-haut. Je ne souhaitais pas
initialement travailler dans ma chambre pour éviter la lassitude, mais je me
suis progressivement faite à cette idée et j’ai du coup poursuivi mon travail là-bas,
dans cette pièce spacieuse et surtout lumineuse, où je me sens bien.
Sans dévoiler
prématurément l’intrigue à tes nombreux aficionados qui liront cette interview,
peux-tu nous dire un peu de quoi parle ton nouveau récit ?
Estelle en pleine conversation avec notre journaliste
(photo : Nicolas A.)
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Euh … (elle hésite), bon, les hivernants, eux, savent de quoi parle le bouquin et c’est
normal, car ils participent aussi à cette aventure à mes côtés et à ce projet
d’écriture, ne serait-ce qu’en répondant à mes nombreuses questions ! Mais
je ne préfère pas en dire plus à ce stade, je peux juste annoncer qu’il
s’inscrit dans la lignée de mes trois premiers romans : je m’intéresse toujours
autant aux rescapés, à l’isolement, à la survie au sein d’une communauté …
L’île d’Amsterdam est
splendide, isolée et unique par bien des aspects, quel est celui qui t’as le plus séduite ?
Dès le début et sans aucun doute : la profusion de la
faune ! C’est clairement ce que je voulais trouver, c’était là mon principal
attrait vis-à-vis de cette île et je dois avouer que je n’ai pas été déçue :
vivre ainsi dans une telle proximité d’une des plus grosses colonies d’otaries
à fourrures du monde, c’est tout simplement incroyable ! Pouvoir aussi
contempler les orques et les albatros au loin, voir les petites otaries naître,
grandir, pousser leurs premiers cris, apprendre à se déplacer à terre puis un
jour se jeter à l’eau … je suis toujours sous le charme !
La base est plutôt spacieuse
et accueillante, bien équipée et confortable. Est-ce que cependant quelque
chose te manque ici, à part bien entendu ta famille et tes proches ?
A part mes proches, mes chats me manquent (rires) !
Plus sérieusement et après réflexion, pas grand-chose en définitive … Peut-être
une connexion internet un peu plus rapide afin de pouvoir faire davantage de
recherches documentaires pour mon travail, bien que mes parents m’aient
beaucoup aidée en me transmettant régulièrement des éléments par mail. A mon
retour, j’aurai certainement hâte de me faire une petite expo photo ou un musée.
Ton séjour à
Amsterdam touche bientôt à sa fin puisque tu quitteras cet endroit chaleureux
fin avril. Une question un peu plus
personnelle pour finir cette interview, penses-tu avoir été changée par cette
expérience incroyable ? As-tu appris sur toi-même ?
(Elle hésite et sourit) Oui certainement ... A travers cette expérience fatigante mais
tellement enrichissante, j’ai vraiment pu expérimenter ici la vie en
microcosme, un sujet sur lequel je travaille finalement depuis longtemps sans
l’avoir nécessairement vécu par moi-même jusqu’à présent. Je me suis confrontée
à un environnement nouveau, j’ai côtoyé des corps de métier différents,
donc des façons de penser qui m’étaient
étrangères … Tout cela m’a obligé à me remettre en question, à engager une réflexion
profonde sur moi-même et sur ma façon de voir les choses, de m’exprimer, de
revenir aussi sur mes aprioris, bref, un
gros travail d’introspection que je n’avais pas du tout prévu ni anticipé en
arrivant ici … mais qui, j’en suis certaine, me sera très bénéfique avec plus
de recul, donc oui, indéniablement, ne serait-ce ce que pour ces aspects là, je
vais rentrer en métropole changée par cette belle aventure !
Merci beaucoup !
Mais avec grand plaisir !
Pour en savoir plus
sur Estelle NOLLET : www.estellenollet.com
Journaliste : Nicolas A.